Islande

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En juillet 2019, nous nous apprêtions à décoller pour Reykjavík. L’embarquement était terminé. Nous étions confortablement installés dans l’avion de la compagnie Icelandair, bien attachés, nous perdant dans nos rêves nous transportant quelques heures plus tard pour le début de la découverte de ce pays fabuleux. Puis, nous avons commencé à trouver le temps long. L’heure de départ était dépassée, et l’avion restait cloué au sol. Alors, le commandant a pris la parole au micro : d’abord en islandais, puis il a enchaîné sur l’anglais, mais avec un accent tellement approximatif que nous ne comprenions presque rien, si bien que nous nous sommes demandés s’il n’était pas toujours en train de parler islandais !.. Bref, nous avons fini par comprendre que le vol était retardé à cause d’un problème technique.
Après une très longue attente, il nous a annoncé que notre vol était carrément annulé ! Quelle poisse ! Nous pensions avoir mangé notre pain noir l’année précédente avec notre voyage en Afrique du Sud, retardé et réduit d’une semaine entière suite au vol du passeport de J.R. deux jours avant le départ ! Décidément, ça nous poursuit !
Comme si ça ne suffisait pas, la communication dans l’aéroport était quasi-inexistante. Et lors des rares annonces au micro, le son était faible et d’une qualité déplorable, les informations se noyant dans le brouhaha. Pour couronner le tout, la climatisation ne marchait qu’à moitié alors que nous étions en pleine canicule. C’était catastrophique ! Nous étions les uns sur les autres à crever de chaud et à attendre encore et encore.
Ils ont quand même fini par nous annoncer que nous devions aller récupérer nos bagages au niveau inférieur. J.R. et moi, forts de notre expérience (surtout en matière de galères), avions anticipé et sommes arrivés les premiers sur place. Mais on ne pouvait pas en dire autant d’une partie du personnel de l’aéroport, qui a mis un temps fou à afficher l’endroit exact où nos bagages arriveraient. Et comble de l’ironie, les nôtres sont arrivés parmi les derniers. Nous n’avons vraiment pas été récompensés pour notre réactivité. Et forcément, ça a fait château de cartes : nous nous sommes retrouvés au bout d’une queue interminable à un comptoir où on nous octroyait des bons pour un repas chaud et une nuit d’hôtel gratuite avec petit déjeuner inclus. Nous avons dû encore attendre pendant des heures. Cette journée n’en finissait pas. Nous avions l’impression d’être prisonniers d’une faille temporelle.

Le lendemain matin, on nous a annoncé que la compagnie Icelandair nous mettait à disposition un bus pour nous rendre directement au terminal 1. Celui-ci était censé arriver à 11h30. Alors nous avons attendu (encore…), mais il ne venait pas. Nous voyions défiler une succession de navettes pour l’aéroport. Alors, nous nous sommes demandé si nous ne ferions pas mieux d’en prendre une, vu que le bus promis n’arrivait toujours pas. Nous avons même douté de la véracité de cette information. Par moments, nous en voyions un s’approcher, et nous pensions que c’était enfin le nôtre… mais ce n’était JAMAIS le nôtre. Ils passaient tous devant nous sans s’arrêter. Aussi, lorsque nous en avons vu un ralentir et s’arrêter à quelques dizaines de mètres de l’hôtel, nous avons vraiment pensé que celui-là était le bon. Mais non : il a fait le tour du rond-point devant nous comme pour nous narguer et est reparti dans l’autre sens. Et que dire de celui juste après qui a fait une improbable manœuvre en marche arrière pendant des minutes entières, bloquant la circulation, tout ça pour repartir lui aussi comme un con dans l’autre sens. Nous avons cru à un sketch.
Finalement, notre bus est arrivé alors que nous n’y croyions plus… avec ¾ d’heure de retard ! Sans plus attendre, nous avons chargé nos bagages dans la soute avant de nous installer à l’intérieur, mus par un agacement et une impatience légitimes. Nous n’avions que trop perdu de temps. Au moment où le véhicule démarrait pour s’engager sur la route, nous avons entendu des passagers crier pour demander au chauffeur de s’arrêter, parce que ce grand benêt avait tout simplement oublié de fermer la soute !.. Alors là, c’était grandiose !.. Heureusement qu’ils s’en sont aperçus, sinon nous aurions semé des bagages tout le long de la route !
Nous nous sommes dit que nous avions fait le tour de toutes les situations ubuesques, grotesques et ridicules. Mais c’était avant de nous retrouver coincés à la sortie d’autoroute que nous devions prendre pour accéder à l’aéroport : en effet, le chauffeur d’un camion s’était engagé par erreur dans cette sortie et il reculait lentement (et dangereusement) pour se réengager sur la voie principale. Le passager était descendu pour le guider… C’était aussi avant de nous retrouver coincés dans le bus alors que nous étions (enfin !) arrivés devant le terminal 1 de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle qui, pour la première fois après moult passages dans son enceinte au fil des années, nous apparaissait comme une terre promise : cette conne de porte automatique se bloquait après s’être ouverte de quelques centimètres. Et là, nous nous sommes demandés quand tout ce cirque allait enfin s’arrêter. Depuis le début de la matinée, nous étions tentés de nous retourner toutes les cinq minutes pour chercher du regard le cameraman, le metteur en scène etc… En vain… Nous devions nous rendre à l’évidence : tout ça n’était pas un film, un sketch ou une caméra cachée, mais juste notre vraie vie… Alors, nous nous sommes dit qu’il y avait une force supérieure quelque part qui voulait nous empêcher de partir en Islande.
Mais à force d’abnégation, nous l’avons finalement vaincue pour arriver à Reykjavík… avec 28 heures de retard en tout !


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Dans le Sud-Est du pays, nous avons passé une nuit dans la Viking Café Guesthouse. Elle se trouve au milieu de nulle part sur la Péninsule de Stokksnes (photo) : de grands prés où vivent quelques chevaux et quelques moutons s’étendent entre les montagnes et les plages de sable noir bordées de falaises. Lorsque nous nous sommes garés devant cette petite bâtisse de bois qui ne paye pas de mine, nous nous sommes demandés où nous étions tombés. Nous sommes entrés pour être accueillis par une dame d’un certain âge très gentille. Elle parlait anglais avec un accent à couper au couteau. Au fond, un vieux monsieur était complètement avachi sur un siège. Elle nous l’a présenté comme son mari, et également le propriétaire des lieux. Cela l’a brusquement tiré de sa léthargie bienheureuse et il en a presque sursauté. Alors il s’est péniblement arraché de son siège pour venir nous serrer la main, nous souhaitant lui aussi la bienvenue avec la même gentillesse que son épouse. Puis, il nous a conduit à notre chambre et nous nous sommes demandés à quoi celle-ci ressemblerait, vu l’aspect des lieux. Nous avons commencé à prendre peur en passant devant des toilettes extérieures en bois délabrées (la fameuse cabane au fond du jardin), et surtout en passant par une porte qui ne tenait plus que par un seul gond pour accéder au couloir. Là, il nous a dit d’un air blasé qu’il allait devoir se décider à réparer ça. Le couloir blanc était peu éclairé et sordide. Finalement, il a ouvert la porte de la chambre : alors que nous nous attendions au pire, il nous a présenté une pièce spacieuse et moderne, très lumineuse, y compris les toilettes et la salle de bains. Nous étions complètement bluffés… et surtout soulagés !.. Nous nous sommes même demandé s’il ne jouait pas de cet effet de surprise avec chaque nouvel arrivant, rien que pour s’amuser de sa réaction. En tous cas, l’expression selon laquelle il ne faut pas juger les Islandais sur l’aspect extérieur de leur demeure prend tout son sens dans cette guesthouse !


Publié le 31 janvier 2021